Le calme après la tempête ? Non, pas vraiment puisque cette dernière avait fait figure de tornade ! Même si Chronoa s'était montrée très compréhensive et magnanime vis-à-vis de moi et de mon séjour forcé dans cette époque reculée - moyenâgeuse -, une autre épreuve, très forte en émotions, m'attendait sur Terre...
Valéria, la sœur ainée de Marisa, ne nous avait pas accueillies en fanfare.
Rien d'étonnant à cela en considérant :

1°) L'état de sa cadette, devenue lilliputienne suite à l’influence d'un envoûtement projeté par une entité aussi diabolique que perfide.
2°) La disparition d'Yggdrasia, sa chère et tendre, qui n'était maintenant pas plus grosse que mon poing puisqu'il ne subsistait plus d'elle qu'un pauvre noyau dénué de toute conscience...

Je fus au regret de lui annoncer qu'il m'était encore impossible de remettre les choses en ordre, faute de disposer des connaissances nécessaires à la résolution de ces deux problèmes de taille - le jeu de mots n'est pas voulu, croyez-moi !
Valéria avait à peine supporter ces dernières nouvelles.
En premier lieu, j'eus droit à une formidable crise d'hystérie dans laquelle je ne l'aurais jamais cru capable de se plonger. En second lieu, elle s'était effondrée sur une chaise, le visage livide, plus amorphe que jamais...
Il me fut incroyablement compliqué de la remettre sur pied ! Sans mon optimisme à toute épreuve et mon extraordinaire résilience, j'aurais sûrement eu tendance à la suivre dans sa descente aux enfers plutôt qu'autre chose... Mais au lieu de ça, je lui avais fait la promesse de ramener sa sœur à sa taille initiale et de lui restituer notre précieuse Hamadryade en chair, en feuilles et en écorce !
Pour parvenir à persuader Valéria de la future réussite de mes projets, je n'eus d'autre choix que de lui tenir compagnie deux jours durant. Il n'était pas non plus question de laisser sa petite ferme dépérir sous son regard morne... le temps que l'aînée reprenne un peu de poil de la bête, j'avais dû me retrousser les manches sous les conseils avisés de Marisa.
L'espace de ces deux journées fort mouvementées, les positions maître et élève s'étaient sensiblement inversées. Un séjour somme toute instructif avant que je me résolve à rendre visite à mon puissant mentor.

Fidèle à son caractère, il n'avait fait montre que de peu d'émotion à l'écoute de mon récit. J'eus droit à quelques questions en retour mais jamais à aucune forme de remontrance. Il connaissait mon ennemi, ses vilaines habitudes à rédiger des contrats malsains pour mieux s'emparer de ce qu'il désire, mais ne s'était jamais douté qu'il serait devenu aussi puissant en collaborant avec un fichu Time Breaker !
J'avais une épée de Damoclès suspendu au-dessus de la tête, m'avait-il dit. Et pour l'en décrocher, il me restait deux possibilités : trouver un moyen de rompre ce maudit contrat qui nous liait avant la date butoir, ou bien surpasser le Drac lui-même le jour J.
Ne sachant ni où trouver le démon ni où dénicher sa paperasse malfaisante, il ne me restait plus qu'une seule solution : accumuler puissance et connaissances !
Pour cela, l'expérience et le savoir de Malvon m'étaient déjà d'un grand secours. Le Maître m'avait tout de même suggéré la plus grande prudence vis-à-vis de cet éclat d'âme du Trompeur qui m'habitait...
En revenant aux sources, j'avais bon espoir de compter sur les pouvoirs du Maître pour désenvoûter Marisa ou me permettre de reconstruire Yggdrasia, mais ce dernier n'était pas en mesure de me rendre ces services. En sus de ses sages paroles, il m'avait prêté quelques documents sur lesquels me pencher, ce en les incorporant par duplication magique à l'Obscurus - mon carnet de poche. Aussi, plus que de me reposer sur la puissance des Runes il m'avait prodigué les mêmes conseils que Chronoa avant lui, à savoir : développer mes compétences dans un lieu où la magie brille de tous ses éclats.
Et comme je n'en connaissais qu'un seul...
Bref ! Pour l'heure, je nageais littéralement dans le brouillard. Le Drac et son défunt collègue me posaient bien des soucis mais, dans un autre sens, ces derniers allaient me servir de marche-pied pour me hisser vers de nouveaux sommets !
J'étais très loin d'avoir perdu espoir. Les solutions à tous mes problèmes existaient : il me suffisait simplement de les trouver, de les étudier et de les appliquer.
C'est typiquement ce qu'aurait dit ma brillante mère.
Bon sang ne saurait mentir~

Puisque j'avais remis les pieds sur Zelod III, autant vous dire que l'invitation d'Elwen pour partager un repas avec ses proches tombait à point nommé. Dans cette histoire, il m'était inimaginable de négliger quoi que ce fût, et moins encore les bons conseils d'une authentique magicienne du calibre de mon hôte !
Seulement, retrouver Elwen et les siens les mains vides... m'aurait mise mal à l'aise.
C'est pourquoi - rebelote - je pris la peine de revenir auprès de Valéria afin de ramener à mes aimables connaissances quelques produits du terroir. Grâce au soutien de Marisa, nous parvînmes même à convaincre sa chère sœur de se joindre à nous. Pas totalement remise, l'aînée s'était vite braquée en utilisant l'absence d'Yggdrasia à la ferme comme d'un prétexte - le manque de personnel. La raison aurait pu prévaloir, étant donné la largeur de son espace agricole depuis que nous comptions l'Hamadryade dans nos rangs. Seulement, j'étais tout aussi capable qu'elle l'était de son vivant : une invocation d'un cortège de Filles de la Nature autonomes, par le biais de la Rune Berkano, eut vite fait de me servir de contre-argument !
Résultat des courses : en plus de revenir sur Zelod III avec les bras chargés de gros paniers remplis d’une nourriture aussi saine que variée, la magnifique Valéria Teritt nous gratifiait de sa présence~
Transportées en un clin d'oeil d'un bout à l'autre de l'univers grâce au Shunkan Ido, nous apparûmes donc au beau milieu de la joyeuse assemblée, dans le salon.

- Et saaaalut, la compagniiiiie ! Ça fait si plaisir de vous revoir~

Mon exclamation fut si enthousiaste que je manquai renverser un plein panier de légumes frais ! D'un geste contraire, je parvins à éviter le pire. Mais un chou-fleur, comme désireux de retrouver sa liberté, chut et se mit à rouler au sol dans une direction hasardeuse.
J'étais sur le point de le ramener au bercail d'une simple impulsion télékinétique quand Valéria me prit de court, usant de son don psychique à la manière d'un réflexe. Le produit bien en main, elle évacua un soupir atténué par la présence d'un sourire indulgent.

- Ryanne... Sois un peu plus soigneuse avec le fruit de notre travail, veux-tu ? (Elle jeta un coup d'oeil panoramique avant de saluer tout le monde d'un geste de la tête.) Mes remerciements pour cette invitation.

- Coucou, tout le monde ! J'vous ai ramené ma super et grande frangine ! triompha Marisa miniaturisée. (Elle était juchée sur l'épaule de son aînée.) Ça n'a vraiment pas été facile de la convaincre. Mais en unissant nos forces Ryanne et moi, on est venu à bout d'la bête !

Gênée par la vérité, Valéria lui administra une pichenette sur les fesses.
Avec ces deux-là, les festivités avaient déjà débuté !

Sans surprise, Elwen fut la plus réactive d'entre toutes ! L'intégralité de sa prodigieuse personne en disait long sur cet état de fait : à commencer par l'enthousiasme hautement perceptible dans le son de sa voix ; les mouvements vifs et joyeux de son appendice zélodien ; et sa terrible et puissante envie de me foncer dessus comme lors de notre toute première rencontre. Mais comme je portais un panier chargé à ras-bord, notre ravissante amie magicienne eut la sagesse de réfréner ses pulsions enfantines.

- Elweeeen ! Toujours aussi débordante de vitalité, à ce que je vois~ Je me réjouis à l'idée que tu n'as pas du tout changé de ce côté-là !

J'aurais bien voulu lui donner l'accolade en confiant mon chargement à l'une des deux jumelles Teritt, sauf que la plus grande avait déjà suffisamment lourd à porter tandis que sa cadette n'était pas plus haute qu'un bibelot. Un dernier détail qui, immédiatement, attisa la curiosité de la nouvelle du groupe - l'une des deux personnes les plus proches de la table, celle qui ressemblait beaucoup à Pesto - s'étant avancée pour nous saluer en retour.

- Enchantée ! nous fîmes de concert, Marisa et moi.

La question de Videl - une interrogation qui brûlait sans doute les lèvres de beaucoup de monde dans la pièce - excita les sens de ma disciple lilliputienne.

- C'est d'la magie, oui, minauda la plus petite des fermière. (Elle ne songeait jamais à mentir.) Un vilain sorcier m'a miniaturisée avant de s'envoler je ne sais où ! Ryanne a essayé de lui filer une bonne correction mais ça s'est retourné contre nous. (Elle haussa les épaules d'un air résigné.) Du coup, j'suis coincée dans cet état jusqu'à ce qu'elle trouve un moyen de briser le mauvais sort par ses propres moyens. J'ai pas d'autre choix que d'attendre - c'est comme ça !

- Je suis sûre que notre incroyable "sœur autoproclamée" trouvera très vite un moyen d'y remédier, surenchérit Valéria en me coulant un regard inquisiteur. Sachant que ses choix sont à peu de choses près aussi limités que ceux de notre cadette.

Je ressentais encore un peu d'amertume dans sa voix. Je ne pouvais pas lui en vouloir : je m'étais déclarée responsable de Marisa et je la lui avais restituée sous une drôle de forme...
Je me raclai délicatement la gorge avant de reprendre les présentations initiées par la dénommée Videl :

- Accordez-moi le privilège de vous présenter Valéria - l'aînée - ainsi que Marisa - l'envoûtée. (J'échangeai un regard prudent avec la première.) Elles font toutes les deux partie de mon petit cercle familial, et le jour où je viendrais à les abandonner n'est pas prêt d'arriver !

Pesto fit son apparition et, telle une tutrice, sermonna la gentille petite curieuse.
Rien qu'en posant les yeux sur l'amie d'Elwen, je pus me faire une idée sur l'étendue de ses progrès. La terrienne n'avait pas chômée - ça non ! Sans doute même qu'elle rivalisait avec Pan en terme de puissance brute...
Elle avait souhaité la bienvenue en nous proposant de nous installer à notre guise.

- Salutations et merci à toi, Pesto ! dis-je en prenant tout de même le temps de transporter nos produits des champs dans la pièce prévue à cet effet, à la suite de Val'. Si tes compétences culinaires sont aussi avancées que tes talents au combat, nul doute que nous allons avoir à faire à un festin d'anthologie !~

- P'tite parenthèse pour dire que ça m'gêne pas qu'on m'questionne sur ma taille, intervint Marisa, qui avait quitté son perchoir humain grâce à sa faculté de voler même dans cet état. J'trouve même que c'est plutôt amusant de devenir le centre d'attention alors que j'suis pas plus grande qu'une tête !

- Assez cocasse comme situation, gloussai-je en prenant toutefois garde à ne pas titiller la morgue de Valéria, qui me surveillait comme une authentique grande sœur. Conserve cet état d'esprit, Marisa ! Le découragement, c'est la mort morale ; l'optimisme, le sentiment qui t'ouvre la voie vers le bonheur inconditionnel~

- Faites quand même attention à ne pas trop vous emporter, toutes les deux, nous réprimanda Valéria avec un soupir d'indulgence. Après tout ce qui s'est passé jusqu'à présent, j'ai peur d'imaginer ce qui pourrait bien vous tomber sur le coin de la figure au prochain tournant...

Entre-temps, Marisa s'était servi du rebord de la table comme d'une piste d'atterrissage.

- Relaxe, Val' ! claironna la cadette en jouant la fière-à-bras. Même en faisant la taille d'une fourchette, j'suis assez costaude pour soulever une charrette et son attelage ! Le prochain méchant qui se présentera à not' porte ne m'verra même pas v'nir quand je lui enfoncerai mon poing en travers des chicots !

Toujours aussi vive d'esprit, cette petite !
C'est avec le sourire que je pris place à table. Valéria fut la suivante à s'asseoir, et j'eus le sentiment réconfortant de constater qu'elle ne m'en voulait pas au point de se tenir à distance de moi. Elle aurait tout à fait pu s'installer une chaise plus loin, mais non : fidèle à son caractère d'aînée, elle restait maîtresse de ses émotions.
Après m'être intéressée à la question d'Elwen, qui n'en avait pas fini de remuer la queue, je l'invitai à s'asseoir à mes côtés.

- Si tu tiens tant à ce que je te narre une partie de nos folles aventures, très chère amie, il va d'abord falloir que tu reposes ton derrière sur cette chaise, tempérai-je avec un sourire espiègle. Très peu des nôtres sont à même de le sentir, sans doute, mais moi je hume un délicieux fumet de magie qui se dégage de ta seule silhouette ! Alors en échange de mes réponses, tu me gratifieras des tiennes car je suis tout aussi curieuse de découvrir les origines de ta transformation~

A cette occasion, Marisa avait cessé de faire le tour de la table. Les poings sur les hanches, elle nous lorgnait toutes les deux avec un flagrant intérêt.

- En voilà, un chouette deal ! (Elle tapa du poing du côté de son cœur.) Moi aussi, j'veux en être ! Parce que j'en ai des choses à raconter, figurez-vous ! Entre l’escalade de cette tour interminable et l'invasion des Sylphes qu'on a tenu en échec...

Elle n'avait jamais eu l'air aussi fière que maintenant !
Valéria la contemplait sans savoir trop quoi dire. Elle était peut-être habituée à voir sa petite sœur courir dans tous les sens mais certainement pas sous ce jour précis, les yeux brûlants de défi et de nostalgie guerrière.

Le cas Marisa était au centre des conversations. Il était amusant de voir que, même en étant pas plus grande qu'une main, mon apprentie savait toujours autant se faire remarquer ! Notre adorable petite fermière intriguait tout particulièrement Videl. Ce n'était pas si étonnant que ça, à vrai dire. Cette dernière étant humaine elle ne devait pas avoir eu beaucoup de contact, sur Terre, avec la magie. Dans mon cas, si le Maître n'avait pas été là je n'aurais sans doute jamais eu la chance de plonger le nez dedans !
Je n'eus pas à répondre à la question de notre jeune amie terrienne : Elwen, en bonne initiée, s'était chargée d'émettre ses théories à ma place. Elle avait raison sur bien des points, notamment au sujet de la puissance du lanceur de sorts qui avait accablé Marisa de ce maléfice ; le Drac - le Grippi ou le Malin aussi - était parvenu à développer ses pouvoirs au-delà de l'imaginable.
Pour faire court, malgré mon niveau actuel, ce satané sorcier me surclassait en tout point.
L'Evilution, ma "transformation" la plus récente, ne me permettrait pas à elle seule de faire le poids contre lui...
Elwen en vint alors à nous parler d'une compétence propre au peuple Zélodien - le fameux Zeloken. Je n'en avais jamais entendu parler jusqu'ici. Preuve en était que les habitants de cette planète savent conserver bien au chaud leurs secrets.
Et si on en croyait les remarques sérieuses de Pesto, il ne s'agissait pas de n'importe quelle technique, pas de n'importe quel lègue...
Ces deux-là avaient réussi à titiller ma curiosité en un temps record !

- Si tu veux bien nous accorder rien qu'une petite minute, Pesto... voilà que la proposition d'Elwen m'intrigue, maintenant ! Avec un peu de réflexion derrière, elle pourrait bien me permettre de venir à bout d'un des nombres problèmes qui m'est tombé sur les bras. Enfin... je dis ça mais je n'ai pas connaissance d'une Rune qui puisse restituer son apparence d'origine à une lilliputienne.

- Dans ce cas, pourquoi ne pas chercher un... (Valéria jeta un regard à Elwen.) "contre-sort" adapté sur cette même terre ? J'ai comme l'impression que son peuple n'est pas aussi ignare en magie que par chez nous.

- Fascinante déduction pour quelqu'un qui vient tout juste de pose pied sur Zelod III, remarquai-je.

- C'est à cause de la qualité de l'air, s'expliqua la fermière. Je le trouve plus léger ici que sur Terre. Et j'y ai décelé... un petit quelque chose en plus, curieusement... indissociable ?

- Tu es donc toi aussi sensible à la magie. Mais ta Perception est anormalement élevée pour une terrienne qui n'a jamais combattu ! Un cas atypique. Hmmm... cela suffirait-il à faire de toi une "Sensorielle" ?

- Et je suis censée savoir ce que ça veut dire ?

- Non, pas du tout. Mais nous y reviendrons plus tard, ne t’inquiète pas ! Ton intervention m'a donné une autre piste potentielle~

En l’occurrence : partir en quête d'un lieu de savoir sur Zelod III !
Elwen aurait sans doute de quoi éclairer ma lanterne à ce sujet.
Par ailleurs, en bonne animatrice, la seule et unique Zélodienne du groupe s'enquit à la cantonade d'une candidate disposée à conter à qui le veut ses histoires les plus abracadabrantes !
Je ne fus pas spécialement surprise de voir Marisa sautiller sur la table, le bras tendu en hauteur et les doigts de la main en train de gigoter comme des vermicelles.

- Moi ! Moi, moi, moi, moooooiiiiii !!! S'il vous plaît, allez !! J'en ai une géniale à vous raconter ! J'vous jure qu'elle va vous laisser sur le c-

- Ta-ta-ta ! la coupa Valéria, qui s'était aussitôt emparée d'un verre qui trainait sur la table. On ne jure pas ! Je te l'ai déjà dit cent fois, Marisa.

Ni une ni deux, l'aînée abattit sa prison improvisée sur la cadette. Celle-ci n'eut même pas le temps de geindre mais on voyait bien à sa mine, à travers le verre, que cette intervention l'avait un refroidie.

- Bien, fis-je avec indifférence. Notre première candidate étant momentanément sous les verrous, je propose que la plus curieuse du lot commence par nous expliquer comment elle s'est débrouillée pour rejoindre le club zélodien, qu'en dites-vous ? D'autant plus qu'elle semble s'être fait une amie à l'aura bien singulière...

Je voulais parler de sa silencieuse compagnonne aux cheveux blonds. Si cette dernière ne brillait pas par sa puissance, sa signature énergétique ressemblait fort à celle d'une Shinjin. Et comme j'en avais "élevée" une sur Terre après l'avoir arrachée aux griffes d'une crapule démoniaque, il ne m'était pas tellement difficile d'en ressentir les plus fines effluves...
J'eus un sourire à l'attention de la concernée.

- Après quoi, peut-être bien que j'autoriserais l'intarissable Marisa à vous enjoliver notre histoire commune. C'est qu'elle a fait des progrès en diction depuis, la cadette ! Même s'il lui en reste beaucoup à faire par rapport à ses manières de garçon manqué. Mais fort heureusement : Valéria veille au grain !

- Pas suffisamment, je dirais, répliqua-t-elle en luttant férocement contre le verre qui menaçait de se détacher de table. Elle est diablement costaude pour son âge ! Et c'est pourtant pas faute de limiter sa consommation de viande...

- C'est une tête brûlée, surenchéris-je. Son tempérament est de feu. Pour canaliser son attention, c'est un véritable enfer - je ne vous raconte même pas~

- C'est pas vrai ! couina Marisa qui avait trouvé prise sur les rebords de sa prison alors que sa sœur avait carrément appliqué ses deux mains sur le socle transparent pour l’empêcher de sortir. J-j'ai toujours été super sage ! - Hnnnnnrr!- Vous dites que des bêtises, toutes les deux... Ouff !

Finalement, Marisa parvint, en roulant sur elle-même, à s'extraire de dessous le verre. Sans doute par peur des représailles, elle se hâta de traverser la table à grandes enjambées et de bondir de l'autre côté, droit sur l'avant-bras gauche de Videl qu'elle escalada comme la Tour Karine à la manière d'une fourmi !

- Vas-y, Vivi' ! l'encouragea-t-elle une fois parvenue à se hisser sur son épaule. Raconte tout ! Fais diversion, je t'en prie ! Val' n'osera jamais te toucher pour m'avoir - j'te revaudrai ça, fais-moi confiance !

Aaah, voilà qui compliquait bien les choses : l'écriture Zélodienne avec laquelle était rédigée tous les livres de la fameuse bibliothèque de Zelod III ! J'aurais dû prendre les devants et m'intéresser à ce monde beaucoup plus tôt - dès ma première visite.

- Peut-être bien que je risque d'avoir besoin d'une interprète de confiance, marmonnai-je en glissant mes mains sous la table, un peu mal à l'aise. Non pas que cela soit ennuyeux. C'est surtout le temps qui tend à me manquer...

- N'existe-il pas un moyen de contourner le problème et d'en gagner un peu, justement ? s'interrogea Valéria, diablement lucide alors qu'elle avait tout récemment perdu sa compagne à la main verte. (Elle avait l'air très motivée à rattraper ma plus regrettable erreur - cette lueur dans son regard de battante en témoignait à elle-seule.) Ton Maître, par exemple. Celui-là même qui t'as enseigné les bases de la magie... Ne détint-il pas la clef de cette énigme ?

- Je doute qu'il ait déjà posé les pieds sur cette planète - et moins encore dans ladite bibliothèque.

- Pense à la solution et non pas au problème, me réprimanda-t-elle. S'il est si savant que ça ton Maître doit certainement avoir inventé un sort ou je ne sais quoi lui ayant déjà permis de percer les secrets d'un code - voire d'une langue étrangère -, non ?

...Elle s'avançait beaucoup sans savoir mais ses hypothèses méritaient qu'on s'y attarde.
Je hochai pensivement la tête.

- C'est loin d'être stupide ce que tu me dis là, admis-je. Ça vaut le coup de s'y risquer : j'irai demander confirmation au Maître.
Tu ferais une excellente conseillère, Val'. En as-tu conscience ?

- Non, trancha-t-elle. Et l'heure n'est pas vraiment aux flatteries ni aux propositions d'emploi.

Preuve en est qu'elle n'avait pas encore digéré l'absence d'Yggdrasia.
En tant que responsable de cette immense perte, je ne pouvais pas le lui reprocher...
Enfin bon ! Heureusement que nos deux plus jeunes amies eurent noué une alliance de fortune.
Avec l'autorisation de sa compagne hors du commun, Videl put nous conter l'histoire de leur rencontre... qui n'avait pas grand-chose de gai, pour le coup. Trouvée à moitié-morte au beau milieu d'un chemin lors d'une randonnée familiale, la prénommée Anna souffrait d'amnésie.
J'étais sur le point de relativiser quand Marisa, qui paraissait se sentir en sécurité sur l'épaule de la conteuse, lâcha fièrement :

- L'important, c'est qu'Anna s'en soit sortie en un seul morceau. 'Pis si en plus vous êtes devenues de vraies copines, j'suis sûre qu'avec cette bonne entente vous parviendrez à accomplir des miracles toutes les deux ! (Elle leva le menton bien haut et croisa les bras sur sa poitrine minuscule.) J'vous connais pas beaucoup, mais j'le sens bien. Et pour ça, j'ai le nez fin !

- Tu sais comment remonter le moral des troupes, on dirait, commenta Valéria qui, effectivement, ne cherchait plus à courir après sa sœur hyperactive. Presque avec autant de réussite que lorsqu'il est question de me filer entre les doigts. Je ne sais pas si je dois m'en inquiéter ou te féliciter...

- Les deux, suggérai-je. Laissez-la continuer, s'il vous plait : c'est très instructif comme récit.

Elles n'y virent aucun inconvénient.
Et c'est de cette manière, en restant sage, que nous apprîmes qu'il s'en était passé des choses, sur Terre !
 Pesto avait pris Videl sous son aile en lui enseignant d'abord à voler, puis à ressentir le Ki en compagnie d'un visiteur à queue de singe qu'elle avait par la suite combattu. Probablement parce qu'il le lui avait demandé ?
Les Saiyans ont toujours cette fâcheuse tendance à vouloir se battre n'importe où et n'importe quand !

- Quel programme ! sifflai-je. Je me demande bien où je me trouvais à ce moment-là...

- Chut ! fit Valéria avec un regard chargé de reproches. Elle n'en a pas terminé.

Et là, je pense que nous aurions toutes préféré ne pas connaitre la suite.
L'arrivée d'un deuxième Saiyan, allié du premier venu bien amoché, provoqua un grabuge si terrible qu'il entraîna la destruction d'une ville et la mort de plusieurs proches.
Un récit profondément attristant qui s'acheva malgré tout sur la défaite de ce diabolique challenger - sans quoi ni Videl ni Pesto n'auraient pu être là pour en parler.
Marisa, qui était restée muette, ne trouvait visiblement pas les mots pour exprimer sa peine.

- Vous nous en savez navrée, dis-je le cœur lourd d'émotion.

- Qui aurait pu deviner qu'un autre extraterrestre tomberait du ciel en un laps de temps aussi court ? s'enquit Valéria sans toutefois attendre de réponse. Ces guerriers de l'espace se croient tout permis. Je commence sérieusement à craindre pour l'avenir de la Terre... La fréquence des visites a sensiblement augmentée, ces derniers temps.

- Je m'en inquiète aussi, surenchéris-je. Notre planète natale aurait grand besoin qu'on y installe un vaste système d'alarme, ne serait-ce que pour prévenir de l'arrivée de ces visiteurs indésirables même lorsqu'on se trouve à l'autre bout de l'univers.

J'avais beau dire mais un tel dispositif m'était encore étranger.
Un nouveau sujet à creuser avec le Maître, peut-être ?
Pesto n'avait pas l'air très à l'aise, remarquai-je, mais elle prenait sur elle en attirant l'attention de tous sur Marisa.
Celle-ci eut tôt fait de se mettre au garde-à-vous et de débiter son récit avec une élocution quasi-parfaite. Elle commença par raconter cet épisode au sommet de la Tour Karine, que nous avions grimpées en trio. De l'intervention des Sylphes - ces méchants pilleurs qui brûlaient d'envie de conquérir le ciel et de dérober tout l'avoir du chat-sage rondouillard. De son combat, la Caladbolg au poing, tout d'orange vêtu avec son prototype de combinaison en Tisse-Rune, face à un Yajirobé sous l'influence directe d'une tempête d'esprits maléfiques ! De mon court voyage à travers un portail pour mettre fin à ce mal, qui grouillait depuis un endroit reculé de l'espace !

- Alors qu'elle était retombée parmi nous, de l'autre côté de la faille, Ryanne en a même fait flamber sa tenue ! précisa Marisa, que j'eus du mal à ne pas maudire dans la seconde où ces mots lui avaient sorti de la bouche. Yggdrasia, les yeux tout brillants, lui courrait après sans que je sache trop pourquoi.

Je me fis toute petite en remarquant le regard noir que m'avait lancé Valéria. A cet instant précis, j'aurais très volontiers échangé ma taille avec celle de Marisa.

- Ce récit-là aussi m'apparait très instructif, siffla l'aînée entre ses dents. Marisa n'en avait pas ébruité toute la fin, apparemment.

- Euuh... pour ma défense, ça n'est pas allé plus loin, bredouillai-je. J'ai récupéré ce que j'avais perdu avant que ça ne dégénère.

- Très certainement, fit Valéria avec autant de conviction qu'un juge face à un coupable récalcitrant. La suite, Marisa ! J'aime autant qu'on ne bafoue pas la mémoire d'Yggdrasia avec de vaines explications sur ses... agissements.

- Tout de suite ! s'exclama la cadette en dépit de mon accablement.

Elle expliqua à notre belle assemblée comment je lui avais confectionné la tenue en Tisse-Rune qu'elle portait, avant de décrire en détail son duel épique avec le Vieux Charlie - un épouvantail qu'elle connaissait depuis sa plus tendre enfance, et qui lui avait servi de mannequin d'entraînement - qu'un sorcier sorti de nulle part - qui se faisait appeler "Le Drac" - avait transformé en véritable machine à tuer !
Toute joyeuse, elle vanta sa victoire flamboyante - au sens propre du terme - sur l'épais pantin de paille puis, beaucoup moins joyeuse, nous narra le début de sa malédiction - lancée par le Drac - et, dans sa continuité, son enlèvement ainsi que son isolement - toujours orchestrés par le même monstre.

- Cette sale bête m'a enfermée dans une pierre creuse et rouge comme le feu ! Il faisait affreusement chaud là-dedans. Et j'ai compris pourquoi à partir du moment où j'ai posé les yeux sur mon reflet dans la paroi... (Elle déglutit.) Cette chaleur étouffante, elle émanait de moi ! Mon fichu geôlier se servait de mes pouvoirs fraîchement acquis à son propre compte, déplora-t-elle. Alors que je ne les maitrisais même pas complètement ! Face au Vieux Charlie, ça avait été un grand coup d'bol... (Mais elle finit par relever la tête, avec un petit sourire mauvais imprimé sur ses lèvres.) Depuis que cette espèce de démon m'a prélevée du pouvoir, j'ai quand même moins de mal à y avoir recourt !

- Je te prierais de rester vigilante avec ça, intervint Valéria que le récit de sa sœur avait tout de même émue. Je n'ai pas envie de retrouver notre foyer en feu par accident le jour où tu nous feras un mauvais rêve.

- J'suis grande maintenant ! J'fais plus d'cauchemar ! contre-attaque Marisa... avant de s'interrompre brutalement, de baisser brièvement les yeux sur elle, puis de croiser fébrilement le regard chafouin de son aînée. ...Je n'parlais pas de ma taille, rôh ! Ne joue pas sur les mots, Val' !

L’intéressée leva les mains devant elle en signe d'innocence. Marisa l'ignora d'un mouvement dédaigneux du menton, puis poursuivit son histoire.
Elle parla de Dathryth et Vianna, ses sauveurs - également mes lointains ancêtres en cette période médiévale, qu'elle se garda bien de présenter comme tel, fort heureusement ! - en insistant bien sur l'empathie de l'une et l'impassibilité déroutante de l'autre.
Enfin, elle en vint au point culminant de cette histoire, censée s'achever sur la mort du Time Breaker qui avait conclu un pacte avec Le Drac pour nous piéger dans cette époque en prenant préalablement soin de bieeeen nous diviser...
Nous avions tous cru à la mort du Drac, aussi appelé le Grippi, ou le Malin. Sauf que ce fourbe d'adversaire s'était joué du monde dans le combat qui l'avait opposé à Dathryth et Vianna - il avait eu recourt au sacrifice de l'un de ses sbires, travesti par magie afin qu'il lui ressemble comme deux gouttes d'eau - pour réapparaître à la toute dernière minute.
Marisa, à grand renfort de gestes, illustra notre affrontement avec le Malin. Son glorieux commencement jusqu'à sa triste fin qui, comme on pouvait l'imaginer, ne s'était pas soldée sur mon décès et moins encore sur ma victoire. Elle rebondit alors sur l'intervention de cette jeune femme à la peau rose et aux oreilles pointues - Chronoa, la Kaïoshin du temps elle-même - puis... bafouilla un peu sur la vraie fin.
Sensible à sa détresse, je lui vins aussitôt en aide :

- Elle nous a été salvatrice, conclus-je, en proposant une trêve à notre diable d'opposant. Parfaitement consciente que ni elle ni moi n'étions en mesure de le vaincre, elle me permit de jouer sur le sadisme, le complexe de supériorité et le besoin permanent d'amusement du Grippi. Mais ce dernier, aussi suspicieux que précautionneux, nous incita à rédiger les clauses de cet arrangement sur un parchemin de sa création en y apposant, bien sûr, nos signatures respectives. (J'évacuai un soupir en écartant les mains.) On en revient à ma situation du jour : un sursis ! Je n'ai que très peu de temps pour me préparer à notre prochaine confrontation, qui aura lieu quand il l'aura lui-même décidé, une fois un minimum de jours écoulés. (Nouveau soupir en échangeant un regard avec Valéria, cette fois-ci.) Au final, pour venger Yggdrasia et punir les serpents qui nous ont joué ce tour diabolique, j'ai eu beau me faire pousser des cornes et déployer toute ma puissance - en allant même jusqu'à puiser celle de ta jeune sœur - que ça n'a pas suffit...

- Ne te culpabilise pas davantage, me rattrapa Valéria. Tu as fait de ton mieux mais la partie n'est pas encore perdue. Tu vies encore, et cette seule pensée devrait te pousser à conserver la tête haute et les idées claires.

- Parfaitement ! s'écria Marisa en sautillant sur l'épaule de Videl. Tu vas ramener Yggdrasia et foutre une raclée à cette sale écorchure de Drac ! En tout cas, moi je s'rai là pour t'aider à lui filer la rouste de sa vie !

Je souris principalement pour les réconforter. Mais cette dernière défaite continuait de me hanter...

Une alternative à mon petit problème linguistique ? Elwen avait l'air de savoir de quoi elle parlait mais son amie Shinjin a la peau rose, qui avait à priori un rôle à jouer là-dedans, lui adressa un refus catégorique. Cela n'avait pas surpris la Zélodienne, aussi ne fis-je aucun effort pour faire changer d'avis la dénommée Penne.
Entre-temps, Pesto avait réagi à ma réflexion vis-à-vis de la terre et de sa surveillance. A l'en croire, les Raydens - que je savais dirigés par Gray, le représentant de cette race de géants à la technologie avancée - s'occupaient déjà de cette tâche. Il était toutefois avisé, comme l'avait anticipé Pesto, d'accroître la vigilance desdites sentinelles dans le cas où des vaisseaux isolés tenteraient une nouvelle petite visite de courtoisie...

- Bien. J'espère qu'ils ont compris l'importance de ce message. Loin de moi l'envie de leur voler leur travail en tentant d'installer une toile d'espionnage translucide - ou que sais-je encore ? - autour de notre belle planète bleue. D'autant plus que le tissage d'un tel ouvrage doit certainement demander beaucoup de temps et de minutie...

La seconde ne me posait aucun problème, quant au premier point...
Enfin bref ! Pour des raisons pratiques, je préférais m'en remettre aux autres.
Mais alors que l'attention de tous était braquée sur Marisa la conteuse, Videl - sans prévenir - fit éclater son verre ! Elle ne l'avait pas fait exprès, bien sûr. Et c'était plutôt curieux comme réaction. Sauf qu'avec un peu de recul, en considérant son jeune âge et les derniers épisodes tragiques auxquels elle avait été mêlée, cette crise pouvait s'expliquer.
Enfin... c'était ce que je croyais jusqu'à ce qu'Anna, l'amie de Videl, nous donne des informations sensibles sur l'état de santé de la patiente à qui elle avait attribué des soins mineurs.
Notre jeune élément souffrait donc de quelques poussées de fièvre associées à une perte de contrôle de son énergie - d'où l'explosion de ce verre entre ses doigts crispés.
Marisa, qui squattait son épaule depuis un petit bout de temps déjà, avait sursauté en voyant ça. Elle s'était plaquée une main sur le cœur comme s'il avait manqué un battement.

- Pfouh ! C'est que j'ai eu une de ces peurs, moi, soupira ma chère disciple. Rappelle-moi de ne jamais m'installer entre tes doigts, Videl ! J'trouve ça triste parce qu'ils ont l'air confortable... mais ça m'ennuierait beaucoup de finir écrabouillée.

- Tu fais preuve d'une telle empathie, petite sœur ! ironisa Val', qui essayait probablement de se remettre de la disparition d'Yggdrasia par tous les moyens possibles.

A commencer par la méthode la plus simple : en embêtant la cadette !
Celle-ci la regarda sans trop comprendre où elle voulait en venir. Valéria eut un geste évasif, éludant rapidement les interrogations muettes de sa jeune sœur.
Anna avait insisté quant à la possibilité d'instaurer un système de défense autour de la Terre ; Pesto, que le cas de Videl inquiétait toujours, prétexta avoir déjà fait le nécessaire de ce côté-ci auprès de ses puissants alliés.

- Oublions la proposition hypothétique de notre magicienne, ajouta l'ainée des Territ en me coulant un bref regard en coin. Je pense qu'elle a déjà suffisamment de soucis à gérer de son côté. Elle sera plus efficace et plus rapide sans avoir à disperser son attention aux quatre coins du monde.

Ce n'était pas un reproche - même si ça sonnait peut-être un peu comme tel dans sa bouche de moralisatrice.
Je hochai donc la tête sans piper mot.
Elwen, avec l'aval de Pesto, nous raconta ensuite leur histoire en plusieurs saisons. Nombreuses furent les épreuves surmontées, en passant par l'attaque de la démone aux sombres desseins ; avec plus tard la création de sa marionnette maléfique à l'effigie d'Elwen ; pour basculer sur une rencontre avec un dénommé Usaï et son fidèle compagnon de route, Karo ; suivi de cette ascension en duo de la célèbre Tour Karine, qui fit sourire Marisa de nostalgie ; après quoi survint le retour de l'ambitieuse Yuzua, finalement remise en échec ; et tout un tas d'autres péripéties, dont le visionnage de ce combat entre Pan et une divinité cauchemardesque...

- Oh ! Alors c'était bien elle que j'avais sentie depuis notre chère Terre, me rappelai-je soudain. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'aura émise était grandiose !

Nous eûmes droit, grâce aux pitreries d'Elwen, à une démonstration sommaire du procédé utilisé pour invoquer cette fusion entre deux êtres.
Marisa fut bien entendu la plus captivée par cette parodie dansante !

- Mais c'est TROP cool, comme technique ! clama-t-elle. J'veux qu'on me l'apprenne !

- Et pour t'unir avec qui, hein ?

- J'sais pas moi... Ryanne, Videl ou même toi ? Le choix ne manque pas !

- Non merci ! lâcha son aînée. Pas question que nos esprits entrent en résonance. Je tiens à ma santé mentale.

- T'es vraiment pas drôle, bougonna Marisa. Pis ça t'aurait sûrement adoucie, tiens !

- Je ne te permets pas d'avoir ce genre de réflexion mon sujet, petite tête, contre-attaqua Val'. Avec toi à ma charge, j'ai tout intérêt à avoir fort caractère ! Il y a des jours où tu mets vraiment mes nerfs à rude épreuve.

Comme toute réponse, Marisa lui tira la langue. Je vis une veine saillir sur la tempe de sa grande sœur qui avait serré les poings. Je lui en pris entre mes doigts. Elle orienta sur-le-champ son regard sur moi. Un regard froid derrière lequel dansait la flamme d'une colère à peine contenue !

- Reste calme, Valéria, lui dis-je en ajoutant à l'adresse de Marisa : Et ça vaut aussi pour toi, jeune fille ! Vous vous chamaillerez plus tard ; vous perturbez le récit de notre hôte.

Marisa fut la seule à s'excuser ; Val' avait détourné le regard en s'arrachant à ma prise.
Elwen reprit là où elle s'était arrêtée, contant leurs aventures sur Namek face à une entité métalliques aux capacités corruptrices. Il y eut une brève altercation entre Penne et la narratrice au sujet des "potalas" - un artefact apparemment mythique dont Pesto et Elwen s'étaient servi afin de fusionner comme Ceruly et Pan l'ont fait sur Zelod III.
Je me massai la pointe du menton en observant la Zélodienne qui avait déjà essuyé un joli refus de son amie un petit peu plus tôt...

- Je commence à comprendre la raison d'être de ce "non" d'entrée de jeu, marmonnai-je pour moi-même.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? s'enquit Valéria, visiblement la seule à m'avoir entendue.

- Hm ? Rien d'important, je t'assure.

- Si tu le dis.

Après ce bref échange, Pesto prit le relais, évoquant une nouvelle phase de leur entrainement sur Terre dans la "Salle de l'Esprit et du Temps" qui dura une année entière - pour elle et Elwen, car le temps s'écoulait différemment dans cet espace insolite.
Je pourrais peut-être en profiter, un de ces jours, pensai-je à cet instant, en m'imaginant cultiver mon esprit avec quantité de tomes zélodiens sous les yeux.
Mais cela impliquait aussi la présence d'une personne capable de m'en enseigner les bases. Or, hormis Elwen, je n'avais personne à qui demander du soutien de ce côté-là...
Ce ne sera pas pour aujourd'hui, hélas ! soupirai-je intérieurement.
Et les aventures de Pesto et sa clique continuaient avec des allées-venues sur Terre et Zelod III, ponctuées par des conflits dantesques, des techniques innovantes produites sur le fil du rasoir, la collaboration de Ceruly et Pan face à l'incarnation chaotique de cette énième menace...
Cela n'en finissait plus mais c'était diablement captivant !

- Et ben... c'est drôlement mouvementé par chez vous ! piailla Marisa depuis l'épaule de Videl. J'adooooore ! Vous êtes super géniales dans votre genre~

Malgré le sourire suspendu à mes lèvres, je secouai la tête. Quand notre rouquine survitaminée s'exprimait, on eût dit qu'elle prenait chaque aventure pour des séjours en vacances !
La suite du récit de Pesto avait tout de même de quoi la refroidir ; malgré sa mise en garde auprès des envahisseurs, un autre alien que l'artiste martiale avait déjà rencontré naguère sur une autre planète avait fait son apparition sur Terre. Karo - car c'est de lui dont il s'agissait - lui confia qu'un Empereur du nom de Frieza en avait après un combattant terrien au sang saiyan : Goku, l'ancien champion du monde !

- Tiens donc ! Maintenant que tu m'en parles, j'arrive à coller un visage sur ce nom, déclarai-je. Un visage qui, par ailleurs, m'en rappelle un autre tout aussi ressemblant - mais avec une balafre en forme de croix sur la joue et un regard de tueur.

Baddack ! Il s'était lui-aussi lancé à la recherche de quelqu'un. Kakarot, je crois ? Un individu de son espèce qui lui ressemblait fortement...
Pure coïncidence ? J'en doutais !

- J'ai comme l'impression que notre-vice champion du monde est très réclamé. Ce serait chose absurde que de le livrer à de fieffés envahisseurs ! En particulier à cet Empereur Frieza qui, à en croire ton indic', ne jure que par la vengeance.

Du regard, j'encourageai Pesto à nous en dire plus non sans le lui demander de vive-voix :

- Que sais-tu d'autre sur ce tyran galactique ? Plus nous en saurons sur notre ennemi, mieux ce sera pour tout le monde, dis-je avant d'hausser les épaules et de préciser : sauf peut-être pour notre agresseur potentiel.

- Quid de ses sujets ? osa demandé Valéria. Lui sont-ils tous soumis par la terreur ? Qu'est-ce qui nous fait croire que certains de ses suppôts ne sont pas comme ce Karo ? Peut-être 'y a t-il moyen d'en corrompre une bonne poignée ? (Elle nous regarda tous.) Pourquoi ne pas prendre les devants ? Enquêter, puis agir en fonction des circonstances ?
Pardonnez mes craintes, mais les envahisseurs s'en sont déjà pris à une ville entière et l'ont rayée de la carte aussi facilement qu'on presse un bouton pour activer une bombe... ce qui donne franchement à réfléchir !

Ce qui devait être un repas convivial s'était soudain transformé en conseil de guerre.