Un bien triste constat. La mort du sous-fifre de notre Grandeur Démoniaque fut sans conséquence sur le mental de ce piètre suzerain du monde souterrain. Ouuuh ! Cette phrase me plaît bien ! Même si j'attribuais beaucoup trop de mérite à cet adversaire extrêmement vaniteux. Ce stupide colosse à trois yeux se vantait ouvertement de disposer d'une puissance élevée, de ne pas craindre celle d'autrui, et très probablement de pouvoir tous nous écraser comme de la vermine insipide. Je ne serais pas étonnée de contempler ses chevilles enfler et finir par exploser sous les coups de son orgueil éreintant.
Je secouai la tête en levant légèrement les mains au ciel, tout en poussant un long soupir destiné à ponctuer cette réaction ennemie de si bas étage.
Il y avait effectivement de quoi ressentir un minimum de pitié ou d'empathie pour mon dernier adversaire ridiculisé, désintégré, anéanti, réduit à néant... envoyé Ad Patrès. Pauvre créature esseulée même auprès des siens. Pas la moindre once de fraternité, une absence totale de reconnaissance devant l'entrain suicidaire de son subalterne. Et, malgré cette remarquable consanguinité intellectuelle, le Grand Démon rouge et violet prônait sa suprématie !
Non. Je reviens sur mes propos : il y avait effectivement de quoi se mettre en rogne devant la bêtise et la cruauté aberrante de cette mauvaise entité autoritaire.
Je le pointai du doigt avec dégoût, sourcils froncés et mine renfrognée - ce qui devait très certainement me donner un air boudeur au mépris d'une colère soigneusement affichée.

- Vous êtes une honte pour le commandement ! L'incarnation d'une vilenie sur pattes. Même pour une créature sans cœur telle que vous, j'ai peine à croire qu'on puisse diriger des subalternes avec autant de négligence. Oui, votre existence néfaste est un insulte pour toutes les hiérarchies envisageables sur Terre comme ailleurs ! Et je vais devoir v-... D'accord, je vois, soupirai-je derechef, alertée par les bruits de plusieurs échanges musclés entre mon interlocuteur stupide et Ryukray manifestement en transe.

Les férus de combat sont une vraie plaie à gérer. Ils font instinctivement volte-face dans les moments les plus intéressants, comme les débats par exemple. Ils ont toujours le chic pour me donner l'air d'une arriérée victime de l'entrain de sa propre langue. Je ressentais tout le poids d'une tirade bien construite peser sur ma conscience. Un tel gâchis de mots ! Une si belle élocution ! Tout ça... gâché. Gâché, gâché et gâché !
Avant même de pouvoir m'époumoner quant à l'aigreur de cette situation profondément débilitante, j'entendis une masse fendre l'air et terminer sa course avec fracas dans une paroi rocailleuse. Après une courte vérification, il s'agissait de Ryukray. Ce dernier, bien abîmé par un enchaînement assurément douloureux, était recouvert de sang. Et pourtant, il voulait continuer à se battre, à se dresser face à son opposant tyrannique. Quand bien même son adversaire le surpassait en tout point, ce guerrier venu de l'espace ne baisserait pas les bras. Un sentiment aisément repérable à travers son regard brûlant de combativité ! L'esprit du surnommé "Killdrago" surpassait les désagréments apportés par l'état de son enveloppe charnelle surexploitée.
A ce rythme là, courage ou témérité, sa vie n'allait pas tarder à s'éteindre, soufflée dans une prochaine déferlante de Ki.
L'usage des poings méritait considération.
L'énergie de mon coéquipier à la chevelure très ébouriffée grimpa les échelons, sonnant un assaut désespéré en devenir. Chose qu'il tenta de matérialiser sous la forme d'une sphère de Ki d'un bleu étincelant.
Mais c'était sans compter le passage d'une horripilante brise magique à peine perceptible, même pour les esprits les plus affûtés. Devant l'air surpris de Ryukray et face au sourire malsain de son adversaire imbu de lui-même, il était vraiment très difficile de se méprendre sur la raison de cette entrave. Le monstre avait recouru à une forme de sorcellerie très contraignante sur une cible extrêmement sensible à la magie - surtout à un tel niveau !
Je me plongeai dans le Cœur de pierre pour faire le vide dans mon esprit et agir au plus vite sans subir la maladresse due à un éventuel coup de stress. Ainsi, avec une calme irréprochable et à toute épreuve, je posai mon regard imperturbable sur la silhouette massive du démon survivant tout en prononçant l'incantation idoine pour soustraire Ryukray à son emprise déchirante.

- Grātĭa, dis-je à voix basse sans quitter des yeux l'abomination tri-clope.

Frappée de stupeur pour une durée approximative de deux secondes, ma cible fut contrainte de relâcher sa pression mentale sur le guerrier ensanglanté. Il en allait de même pour les mouvements de l'ennemi, celui-ci goûtant à la frustration due à une brève inertie. De quoi apaiser son ego sur-dimensionné. Le temps de m'infiltrer dans sa garde sans faire de détours pour lui asséner un coup du tranchant de la main. Une frappe souple et terriblement affilée amplifiée par l'usage du Discĭdĭum. Un halo de Ki violâtre enveloppait mon avant-bras jusqu'au bout de mes doigts tendus suffisamment longtemps pour délester le Grand Démon de son bras gauche crispé.
Une pluie d'ichor noir s'échappa du nouveau moignon de l'affligé avant même qu'il puisse hurler de douleur ou d'indignation.
En l'espace d'une seconde, je me retrouvai aux côtés de Ryukray, une main en visière à contempler notre adversaire blessé râler farouchement la perte de son bras. J'entraperçus ledit membre tranché étendu par terre s'évaporer sous l'influence néfaste de mon Ki.
Et je souris devant ce spectacle amplement mérité.

- L'orgueil est l'apanage des sots, Ryukray. Admirez les conséquences d'un excès de confiance en soi, commentai-je en levant une main en direction du démon tri-clope. Et surtout évitez de vous lancer à corps perdu dans une rixe vouée à l'échec, comme ce le sont permis ses séides décérébrés, ajoutai-je en haussant les épaules. Rideaux ?

Une lueur mystique, toujours composée essentiellement de la même couleur, commença à irradier de ma main ouverte. A la différence cette fois-ci qu'une myriade de symboles cabalistiques d'un rouge vif s’amoncelaient au sein du flux lumineux.
Je laissai le temps à Ryukray de s'immiscer dans cette ultime offensive. Mais pourquoi me diriez-vous ? Simplement dans l'optique de clouer à jamais le bec de ce démon outrageusement vaniteux avec, comme ticket pour l'Enfer, une déferlante de Ki tout à fait humiliante. Mon Exĭlĭum s'assimilerait à l'attaque de mon compagnon d'armes actuel pour anéantir la lie démoniaque !

Bien ! Les inepties et les exactions démentes proféraient par notre unique adversaire manquaient de piquant pour espérer inquiéter notre fantastique jeu d'équipe. De plus, la soudaine prise d'altitude du Grand Démon buté arrangeait considérablement nos affaires : nous ne risquions pas d'infliger d'immondes dégâts à la Terre en éliminant ce mal caustique à travers les cieux nocturnes. Et l'idée de laisser une chance de survie à cet horrible olibrius ne m'effleura même pas l'esprit. Un esprit bien trop concentré dans la propulsion d'un puissante salve de Ki adroitement dirigée sur sa cible ! La sphère de Ryukray suivait non loin derrière, prête à faire feu au moindre contact avec l'immonde bête à trois yeux. J'admirai ce florilège de sublimes couleurs, fascinée par tant de pouvoir dégagé en une seule salve ! Qu'il était jouissif de se délester d'un peu de cette puissance en situation réelle, face à un adversaire matériel et non pas issu de mon imagination débordante ! Les symboles rouges brillaient, se courbaient, dansaient, couraient à travers le long flux d'énergie ainsi expulsé.
Un feu d'artifice exceptionnel !
Néanmoins, je crus voir par-dessus ma main tendue une finalité assez déplaisante, contraire à mes projets visant à exterminer le démon corps et âme. L'infâme créature se retrouvait simplement avec une épaule soufflée par le passage de mon tir d'énergie. Le souffle produit par l'explosion qui s'ensuivit nous parvint très rapidement, franchissant la distance qui nous séparait avec autant de célérité.
Une bien triste nouvelle. Mais pas assez démotivante pour ébranler mon optimisme légendaire ! Cela dit, peu de choses seraient capables de me tordre les tripes sous l'effet reposant du Cœur de pierre. A part une trop grande excitation, peut-être ? Mais ça ne durerait pas longtemps. Le Cœur de pierre reprendrait aisément le dessus. La jubilation de la bataille n'avait strictement rien à voir avec l'effet d'un baiser langoureux partagé avec Nira ! Elle demeurait inférieure, et de loin ! Cela dit, nous allons éviter de nous attarder sur cette manière assez singulière de saluer un bonbon vivant histoire de nous focaliser davantage sur le combat en cours, si vous le voulez bien.
Le Grand Démon affaibli luttait avec un seul bras valide contre l'astre bleuâtre de Ryukray. Les deux protagonistes s'affrontaient dans une joute tendue. L'un souffrait d'une grave hémorragie; l'autre s'époumonait avec force rugissements dans l'espoir d'annihiler les derniers vestiges de son ennemi.
J'utilisai en tant qu'arme d'appoint les derniers symboles cabalistiques semés un peu partout dans le sillage de mon attaque. Ces lettres mystiques poussèrent l’Éclosion Mortelle de Ryukray vers le point d'impact de l'Exillium, avant de disparaître dans l'esquisse d'un soleil sur le point de se lever.
Me focalisant sur l'énergie de notre opposant en proie à une dose massive de Ki, je le sentis défaillir et s'évaporer de plus en plus vite, comme s'il se trouvait aspiré dans le Néant, loin de toute forme de vie. Puis la sphère bleue et les jolis effets spéciaux produits par nos énergies respectives s’effacèrent pour laisser place à un nouveau début de journée !
Quatre créatures hostiles purgées pour le bien de l'humanité. Il s'agissait-là effectivement d'une journée flamboyante et fructueuse !
Je jetai un œil en direction de la compagne de Baddack pour m'assurer de sa présence. Celle-ci reposait toujours, dos contre la paroi rocheuse, à son support d'origine. Une fille très sage, si l'on omettait son dernier accès de colère face à mon butor de compagnie.
Une ombre projetée sur le sol parut chanceler dans mon champ de vision. Ryukray émit un son proche du rire nerveux, proclama sa victoire avec une incrédulité perceptible dans sa voix, puis s'effondra comme un château de cartes soufflé par un ventilateur.
Je m'assurai qu'il ne se brise pas le cou lors de sa chute en l'accompagnant jusqu'au sol pour l'y déposer sans pour autant en venir à le porter. De un parce qu'il pesait son poids, et de deux parce que le sol représentait un support suffisamment régulier pour l'accueillir. Enfin, par réflexe, je positionnai mes doigts au niveau de son cou afin de trouver son pouls.
Son cœur battait encore. Je me penchai pour pouvoir prendre en considération sa respiration. Légère mais suffisante. Il avait donc trop poussé. Simplement trop poussé. Rien de grave aux dernières nouvelles. Du moins je me mettais à penser de cette manière sous l'effet du Cœur de pierre. Je m'empressai de le désactiver en expirant un bon coup, accroupie à côté de Ryukray complètement HS.

- Il serait plus juste de dire que NOUS avons gagné, très cher, soufflai-je en esquissant un sourire en coin.

Il ne m'entendait probablement pas mais je m'en fichais. Les monologues avaient parfois leur charme, n'est-ce pas ? Surtout quand ils n'en étaient pas un au tout début ! Quel soulagement de pouvoir m'adresser au vide sans avoir à subir le snobisme d'un interlocuteur hautain. Cela me fit un bien fou ! Peut-être pas autant qu'une décharge de Ki lancée dans un élan destructeur, certes, mais je me sentais bien. Très bien. Trop bien.
Je me redressai d'un bond, une main devant la bouche et les yeux écarquillés.
Nira et Rékon !

- Oh ! Et moi qui en voulais au démon pour cause de négligence ! Ah ha ha ! Vraiment...

Ils ne devraient pas être trop longs à trouver, pourvu qu'ils ne se soient pas trop éloignés pendant notre altercation explosive avec son Ancienne Majesté Démoniaque désormais déchue pour le bien de tout un chacun. Je sondai une quelconque trace de leurs Ki afin de m'enquérir de leurs états. Rékon ne tenait probablement plus sur ses jambes, sa puissance ayant considérablement diminué à mon insu. Quant à Nira, elle paraissait plus en forme que son compagnon de route. Sans doute s'en occupait-elle à l'abri d'éventuelles menaces. Une retraite entièrement justifiée. J'ai beau avoir critiqué le chef du trio démoniaque, celui-ci disposait d'une puissance redoutable pour un visiteur de notre belle planète bleue...
Les mises en garde de Radditz ne s'appliquaient apparemment pas uniquement au peuple des Démons du Froid. Du travail en plus pour une protectrice auto-proclamée de la Terre elle-même ! Mais cela ne ferait pas de moi un xénophobe pur et dur comme notre brave Ferliost, oh que non !
 Attendez-vous donc à me voir revenir avec d'autant plus de tact et de bonnes manières~