Installée les jambes croisées l'un des rares rochers qui parsemaient cette vaste plaine, j'évacuai un profond soupir tout en me demandant si j'avais vraiment bien fait d'accepter d'endosser ce rôle...
A cette obscure occasion, je portais l'un de ces costumes haut en couleur que j'avais obtenu en remportant à la suite toute une chaîne de paris. Il était question de cet équipement saiyan : une sorte de cuirasse souple accompagnée de larges épaulières, sous laquelle un collant incroyablement élastique me couvre jusqu'aux chevilles - ne laissant rien d'autre que mes bras à l'air libre. Sur l'intégralité de sa surface, l'armure brillait d'un somptueux éclat d'améthyste ! Seule la cape qui l'agrémentait était d'un rouge vif.
Je me remémorais la proposition osée du Gardien Intemporel, qui ne souhaitait qu'une seule chose : pimenter les affrontements pour attirer toujours plus d'abonné par le biais de ses rediffusions ; « Pour cette fois que dirais-tu de passer pour la méchante de l'histoire ? Crois-moi, ça va te changer du tout au tout ! » avait-il argué. Ce à quoi j'avais répliqué : « Selon vous, ai-je la gueule de l'emploi ? Un coup pareil, ça ne fonctionnera jamais, allons! » Je m'étais fendu d'un geste de dénégation avant d'ajouter sur le même ton : « Et puis d'abord qu'est-ce que vous fait croire que j'aurais envie de me faire passer pour un monstre ? » Il s'était montré assez persuasif, pour le coup : « Ce n'est qu'un jeu d'acteur ! Un petit challenge en plus ! Même si vous abattez votre adversaire par accident, ce ne sera toujours qu'une réplique surréaliste d'un combattant historique. Vous n'aurez rien à vous reprocher - aucune raison de vous en vouloir. Et surtout, vous pourriez y aller à fond ! »
J'étais tout de même un peu sceptique par rapport à ce dernier point. Toutefois, j'avais fini par accepter. Il était vrai que cette rencontre insolite me changerait de l'ordinaire ! Et puis tant que l'on ne me miniaturisait pas, que pourrait-il m'arriver de pire, hein ?
Je réprimai un de ces sourires joviaux en voyant mes deux adversaires descendre en trombe depuis le ciel azuré. Encore une fois, j'avais affaire à Son Goku - héros saiyan parmi les terriens. Il était accompagné d'un grand personnage à la peau verte - un Namek - du nom de Piccolo. J'avais eu ouï dire qu'à cette époque, les deux étaient encore rivaux.
Je n'avais pas fait mine de bouger, me contentant d'afficher ce rictus provocateur que les méchants les plus vicieux que je connais ont la fâcheuse habitude d'étirer.

- Alors c'est de toi qu'émane cette aura maléfique, lâcha Goku en s'approchant à pas tranquilles - ce qui créait un contraste avec l'air le plus sérieux au monde qu'il avait adopté. On peut savoir ce qui t'amène sur Terre ? Et ce que tu es, aussi ?

Aaaaah ! Cette fois-ci, notre fameux héros à la chevelure en pagaille ne me reconnaissait point. Apparemment, le Gardien Intemporel s'était arrangé pour qu'il n'y ait aucun lien avec nos précédentes confrontations. Un bon point pour le scénariste !
Les bras croisés sur sa poitrine, son grand voisin au teint maladif lui passa devant. Il me toisait plus durement encore. De quoi intimider même les esprits les plus forts !
On aurait presque dit une sous-espèce de démon...

- A quoi bon lui poser ces questions ? articula-t-il. Ne vois-tu pas son sourire en coin ? Elle n'est sûrement pas du genre à y répondre par simple politesse. (Il leva le menton, histoire de rehausser un peu plus son regard.) J'ai raison ?

- Tout à fait, avouai-je. Si vous voulez vos réponses, il va falloir me soumettre à votre autorité. (Je secouai un index.) Seulement, l'échec ne vous est pas permis. Car si cela arrive, ce monde disparaîtra avec vous ! (Et là j'écartais les bras en imitant une immeeeeeense explosion!) Vous sauterez avec la Terre - ni plus ni moins. La promesse d'une fin détonante, si elle n est ! La vôtre, mais surtout celle d'un monde qui vous est cher à tous les deux.

- Pfeuh ! cracha le Namek. Je ne suis ici que pour l'asservir. En ces termes, je ne peux accepter la présence d'une entité supérieure à la mienne.

- Parce qu'il ne peut y avoir qu'un seul roi sur cette terre ? demandai-je. Ciel ! ce que vous êtes vieux jeu, géant vert ! Le règne de la terreur ne dure jamais qu'un temps, ne vous l'a-ton jamais expliqué ?

- Mon prédécesseur n'as pas eu la poigne assez ferme, maugréa-t-il. Mais moi, je l'aurai.

- Si vous le dites, répondis-je avec une totale indifférence, avant de me tourner vers Goku et de l'interroger d'un petit mouvement du menton : Et vous ? Quelles sont vos motivations ? Je sais par expérience que vous n'êtes pas du genre à fricoter avec le mal - et moins encore à en tolérer la présence.

Les yeux chargés d'une volonté combative et d'un fort esprit de compétitivité, il fit s'entrechoquer ses poings !

- Je ne laisserai personne s'en prendre à ce monde ! (Il me tendit le poing, un sourire imprimé sur ses lèvres.) Et j'ai bien envie de me mesurer à toi. (Sans adresser un regard à son voisin, il se permit de le héler.) Piccolo ! Je passe en premier. Et une fois que je me serai occupé d'elle, nous réglerons nos comptes ici-même, ok ?

- Humpf ! Si cette bizarrerie n'est pas capable de l'emporter sur toi, il n'y a pas de raison à ce que je te rabatte le caquet. (Il se détourna de lui.) Va ! Ensuite, je mettrai un point final à notre histoire.

- Merci, Piccolo !

- Pfeuh. Ne me remercie pas trop vite.

Ça ne se passait pas vraiment comme je me l'étais imaginé.
Ces deux zouaves n'étaient manifestement pas prêts d'agir en tandem ! Pourtant, en l'état actuel des choses, aucun de ceux-là n'était en mesure de me renverser...
Passablement agacée par leur attitude hautaine, je bondis de ma caillasse pour me retrouver les pieds dans l'herbe. Tout en m'avançant vers Goku, je fis craquer mes phalanges gantées.

- Vous êtes consternants. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre ! Une terrible menace plane sur la tête de tout un chacun et vous trouvez encore le moyen de la prendre à la légère. Vous ne me laissez guère d'autre choix que de vous prouvez mon écrasante supériorité...



En plein milieu de ma phrase, je disparus des radars ! A ce moment, ma vitesse était telle que mon adversaire désigné n'y vit que du feu. Je le surpris avec une droite fulgurante au niveau du flanc, l'envoyant bouler dans l'herbe grasse sous le regard curieux de son rival à la peau verte.

- Ici et maintenant ! terminai-je.

Je n'eus qu'à tendre le bras en direction de Piccolo pour le forcer à défendre sa vie. Le Satelles que je lui avais envoyé, il le chassa d'un grand revers !

- Tu ne tiens vraiment pas à la vie, grogna-t-il.

Emportée dans mon élan, je lui adressai un sourire éclatant.

- Vous croyez ? Je vous renvoie cette cinglante remarque !

Je n'aurais jamais cru qu'il se laisserait avoir aussi facilement ! Ma boule d'énergie violette vira brusquement de bord et, au lieu de se perdre dans les cieux, fondit sur le Namek. Interloqué, il eut tout de même le temps de se retourner et de lever les bras. Néanmoins, l'explosion qui s'ensuivit l'expédia dans ma direction... et celle de Goku, par la même occasion !
Ce dernier s'était relevé avant de se projeter sur moi d'emblée, le poing ramené en arrière.

- C'est moi ton adversaire !

J'écartais les bras, recourant à la Télékinésie Zélodienne afin de les contraindre, lui mais aussi son rival, à une immobilité parfaite.

- Alors je vais tâcher d'être plus claire.

Puis je croisai les bras devant moi, les amenant à se heurter front contre front ! Soudain libérés de mon emprise, ils s'écroulèrent sur le dos - l'un en évacuant un grognement, l'autre en poussant un juron.

- Collaborez, ou bien soyez sûrs de mourir avant d'avoir essayé !

- Espèce de... ! Très bien - tu vas la prendre, ta raclée !

Se dégageant de son camarade grimaçant, le Namek qui s'était exprimé si hargneusement me lança un regard assassin. Ce n'était pas de la simple provocation car je vis ses yeux émettre une lueur rouge avant que deux lasers incandescents ne s'en échappent !
Mue par un réflexe de survie, j'invoquai un Praesidium de modeste gabarit - tout juste de quoi recouvrir mon avant-bras - qui réfracta cette attaque sournoise. Piccolo, surpris, dut baisser la tête pour éviter le retour de flammes.
Je gloussai derrière mon alvéole à l'éclat améthyste.

- L'arroseur arrosé ? Voilà qui n'est pas passé loin, dites-donc !

- Va au diable ! rugit la peau verte pour qui le sang-froid s'était définitivement évaporé.

Bénéficiant de sa position basse, il déploya un effarante quantité de Ki et se catapulta sur moi d'un coup d'un seul ! Son poing lancé heurta mes bras en croix, me repoussant sur quelques mètres sans pourtant m'arracher à ce tapis d'herbe grasse qui nous servait d'arène. Je m'étais servi de mes talons pour ralentir ma course, résultat : dans la terre fraîche, deux sillons frais marquaient mon passage. Quant à ma protection dérisoire, et bien elle avait tout simplement fini par tomber en poussière de cristal étincelant.

- Sacré punch que vous avez là ! Je reconnais que vous savez envoyer.

Je parlais, je parlais, mais lui n'en avait pas terminé - il était sacrément remonté, le bougre !

- Zuaaah !!!

Il s'était précipité sur moi pour m'envoyer un coup de pied si puissant qu'il aurait pu faucher un champ de blé entier ! A défaut de le bloquer, je passai par-dessous et répondis à sa manœuvre audacieuse par une balayette qui le projeta à terre. Il émit un grognement féroce tout en se réceptionnant sur ses bras.
A cet instant, Goku refit son apparition !
L'ayant vu venir un chouïa en retard, je bloquai son coup de poing d'une main habile.

- Ça m’embête de le reconnaître, mais va falloir la combattre en tandem ! annonça-t-il à son collègue d'infortune.

- Tch ! Alors essaye de ne pas me gêner, pesta le Namek en bondissant sur ses pieds.

Tout alla très vite !
Il me frappa la main ouverte. Je lui opposai mon genou. En parallèle, Goku surenchérit avec un coup de pied au niveau de ma seule jambe d'appui. Mais je pivotai à demi, fis un demi-tour sur moi-même, et contre-attaquai d'un formidable coup de pied ! Celui-là, il se pencha fortement en arrière et releva sa garde pour le parer.

- Ha-ha ! criai-je en ouvrant la main vers son voisin.

Cette simple boule d'énergie lui explosa en pleine poitrine, le faisant décoller dans une laborieuse série de roulades aériennes. Il trouva tout de même le moyen de se stabiliser un peu plus loin, au-dessus de nos têtes. Une position qui laissa le champ libre à son compagnon inavoué. Ce dernier entreprit de me frapper le cou du tranchant de la main ; il ne fut pas déçu, car il reçut mon pied en plein visage ! Une riposte bien sentie, certes, mais le guerrier était rodé : bousculé, il se servit de son élan pour rebondir alternativement sur ses mains et ses pieds.
J'étais sur le point de lui offrir un cadeau aussi détonant que celui que j'avais lancé à son vicieux d'ami lorsque, du coin de l’œil, je crus voir quelque chose s'étirer à travers les airs ! C'était un bras  - celui de Piccolo à en juger par sa couleur. Il s'était refermé sur mon poignet, avortant ainsi mon offensive.

- Oh ? Aussi impressionnant qu'inattendu, commentai-je, un sourcil dressé.

Puis j'entendis une formule qui m'était devenue familière. Du genre : « Ka Mé Ha Mé... »

- Je la tiens ! s'écria Piccolo. Vas-y, atomise-la !

Ouh ! Ça, c'était inquiétant.
Très vite, j'abattis mon pied au sol ! Les pouvoirs de la Pierre Philosophale se répandirent à travers la terre meuble, modifiant sa consistance là où se tenait le saiyan sans queue. Brusquement, lee sol s'ouvrit sous ses pieds, le déséquilibrant alors que l'énergie concentrée entre ses mains était sur le point d'éclore ! Cela arriva bel et bien d'ailleurs - mais pas dans la bonne direction ; en fondant à travers les cieux, le rayon bleuté manqua happer Piccolo.
J'eus un petit sourire amusé en les entendant se chamailler.

- Mais qu'est-ce que tu fous, abruti ?!

- D-désolé ! geignit Goku en s'extirpant maladroitement de la ravine.

Avant que notre homme élastique n'ait dans l'idée de rapatrier son bras, je lui tranchai la main d'un revers imprégné de magie. Le Discidium fit son office, arrachant un râle de douleur au manchot ! Même avec tout ce sang qu'elle avait fait couler, ma lame brillait toujours d'un ravissant feu mauve~
Récupérant sa taille initiale, le moignon du Namek se résorba comme un ver de terre.

- Aïe ! grimaça Goku. Piccolo, ça va aller ?!

- Ne t'occupe pas de moi, triple idiot ! Concentre-toi sur l'ennemi ! cracha-t-il.

Mais il était trop tard pour l'insulté : je m'étais faufilée dans son dos à une vitesse telle qu'il ne me vit même pas remuer le petit doigt ! A l'horizontal par rapport au sol, la semelle de mes bottes s'écrasa brutalement contre le haut de son dos.
J'aurais tout aussi bien pu le tuer avec cette attaque. Néanmoins, je ne prévoyais pas d'en finir aussi tôt. Je souhaitais au moins tirer une ou deux leçon au cours de cet affrontement.
Goku mordit donc la poussière, achevant son rouler-bouler à bonne distance de nous.
Alors que je souriais du regard, mon attention bascula sur Piccolo.

- Est-ce là tout ce que vous avez à m'opposer ? Je ne l'espère pas pour cette pauvre planète !

Il serrait les mâchoires si fort que je craignais de voir ses dents se fissurer.
Les poings ramenés sur les hanches, je haussai confusément les sourcils.

- Drôle de spécimen ! m'exclamai-je. J'ai bien peur qu'il finisse par nous péter une durite.

En entendant Goku essayer de se relever, je traçai distraitement la Rune Berkano sans même quitter des yeux son homologue verdâtre. Le Compartimentage de l'esprit me permettait cette fantaisie, oui ! Une fois dessiné à même l'air, le Symbole du Bouleau entraîna l'émergence foudroyante d'un réseau de racines qui eut tôt fait de se refermer sur lui comme une énorme griffe.

- Nnnnuaaah !

Et non : ce cri-là ne provenait pas de sa bouche mais bien de celle du Namek ; il l'avait poussé en se concentrant si fort qu'une nouvelle main, couverte d'un liquide peu ragoûtant, avait émergé de son moignon sanguinolent !
Je l'observais, les yeux pétillants d'une curiosité scientifique.

- Fascinant, dis-je. J'étais loin de vous savoir capable d'un tel tour.

Bien qu'épuisé par cette manœuvre que j'attribuais à ses spécificités raciales, Piccolo avait aussitôt joint les mains à hauteur de diaphragme en concentrant, entre-elles, une conséquente masse d'énergie. L'esquisse d'une boule orangeâtre crépitait entre ses doigts crispés !

- Crève !

Je fendis l'air d'un grand mouvement de bras, érigeant un dôme alvéolé - une des nombreuses formes possibles du Praesidium ! - tout autour de ma personne. La grenade vibrante d'énergie qu'il m'avait envoyée s'écrasa sur la paroi incurvée, puis disparut dans une explosion assourdissante !
De là où je me tenais - autrement dit au beau milieu du chaos ambiant - je vis la terre se retourner et la pelouse se désintégrer.
Ha ! Si cette bombe n'avait pas rencontré ma barrière, elle aurait sans doute emporté avec elle plusieurs hectares de terrain. La plaine serait devenue désert... ou tout simplement une terre calcinée ?
Alors que la poussière commençait tout juste à retomber à l'extérieur du dôme, je vis une toile de fissures s'étirer. Il n'en fallait vraiment plus beaucoup pour avoir raison de ma protection, aussi me fis-je un plaisir, à dessein, de la faire éclater d'un bon coup de poing !

- Tenez ceci ! glapis-je. Testa~

Les yeux du démon vert s'écarquillèrent d'horreur. Le nuage de tessons magiques que j'avais soulevé de terre grâce à mon incantation le traversa de parts en parts ! En subissant cette torture sans nom, Piccolo poussa un abominable hurlement. Les débris tranchants avaient déjà dessiné de vilains sillons sanglants sur son épiderme quand le Namek rejoignit la terre ferme en catastrophe.
J'arrêtai de le harceler avec mon sortilège criminel dès l'instant où je le vis s'écraser sur un genou, une main ruisselante de sang plantée dans l'herbe pour empêcher le reste de son corps de s'affaisser.
Effectivement, il avait fort mauvaise mine !

- Ça, c'est votre récompense pour m'avoir gentiment mâché le travail~

Autour de nous l'herbe avait bien noirci. Un paysage à moitié désolé s'étendait sous nos pieds, avec pour limite un cercle aux contours jaunâtres. Et à deux pas de son extrémité se débattait justement Goku, qui ne tarda pas à faire littéralement exploser ses entraves noueuses grâce à la seule force de ses bras !

- Tu vas payer pour ça, monstre ! m'envoya-t-il, courroucé par le sort peu enviable que j'avais infligé à son compère. Haaaaaaaaa !!



Même si sa colère l'aveuglait au point de lui faire prendre la pire décision qui fût, je dois bien admettre que son baroud d'honneur avait largement de quoi divertir les foules ! Il s'était littéralement jeté sur moi, du feu plein les yeux. Ses attaques paraissaient bien plus rapides - en fait, elles l'étaient bel et bien - et je dus me concentrer au maximum sur lui pour ne pas avoir à en faire les frais.
Poings et pieds sifflaient à mes oreilles, menaçant de me briser les membres en cas de mauvaise parade ! Je répliquais savamment, soutenue efficacement par le Cœur de pierre qui, à cette occasion, m'empêchait de perdre le fil de la confrontation.
A un moment donné, il dut éprouver une certaine fatigue car je fus plus rapide et précise que lui ; alors que j'avais basculé en arrière pour me soustraire à l'un de ses violents coups de poing, mon talon souleva tout aussi durement la pointe de son menton. Mais envers et contre toute logique cela ne suffit vraisemblablement pas à le court-circuiter ! Le saiyan était comme possédé : il ne lâchait point le morceau, remuant bras et jambes avec une telle hargne qu'on aurait pu croire que son cerveau ne les commandait plus, qu'un processus supplémentaire agissait en tâche de fond. Il produisait aussi de grands cris intimidants - auxquels je restais totalement hermétique.
Ce duel était compliqué à suivre, mais pas seulement pour nous deux parce que la nature elle-même accusait les multiples ondes de chocs résultantes ! La terre, piétinée avec acharnement, tremblait sous nos bottes ; l'air grondait derrière nous, si bien que je n'osais imaginer ce qui se serait passé s'il y avait eu des habitations alentours. Mais d'un autre côté, je trouvais cette bataille fort divertissante - pour ne pas dire passionnante ! Après tout, si je me trouvais là, dans cette dimension onirique, c'était avant tout pour goûter à ces exquises poussées d'adrénaline~
Nos poings se rencontrèrent dans un choc titanesque, ébranlant la terre déjà fragilisée, en arrachant des morceaux qui se mirent à voleter tout autour de nous comme si un tourbillon était à l’œuvre ! Je jubilais intérieurement, mais ma concentration, braquée sur les mouvements du héros en kimono orange, demeurait fixe. Si bien qu'à cet ultime instant, nos phalanges qui menaçaient encore de s'entrechoquer se manquèrent de peu, continuant leur funeste chemin. Celles de Goku me manquèrent de peu ; les miennes firent mouche, provoquant chez le saiyan un saignement de nez assez conséquent.
Je souris en sentant l'arête nasale céder à l'impact. Néanmoins, je ne m'étais point attendue à ce que cette frappe ne le projette pas en arrière ! Le haut du corps de notre estimé héros bascula peut-être mais pas ses appuis ; ceux-là, il les avait intentionnellement planté dans le sol, ignorant la souffrance qui irradiait assurément de son visage ensanglanté pour se glisser sournoisement dans mon dos, derrière le piètre rempart que représentait ma cape rouge.

- Hé ?

Pareils à un étau, ses bras musclés se refermèrent sur mes épaules en trouvant un passage sous mes aisselles. Étant légèrement moins élancée que le guerrier de l'école de la torture, mes pieds avaient un peu de mal à toucher le sol. En outre, je ne savais pas d'où tirait-il cette force mais il ne m'était pas possible de me soustraire à sa prise. Du moins... pas de façon conventionnelle !
Jouant le jeu, je continuais à bouger en tous sens, à faire mine de me débattre en total désespoir de cause. Dans mon dos résonnait la respiration sifflante du saiyan. Après ce qu'il avait dû encaisser pour me verrouiller de la sorte, il souffrait sans doute d'une belle migraine !
J'eus tout de même un vilain pressentiment...

- P-piccolo ! s'écria-t-il, sollicitant durement mes esgourdes au passage.

Je levai le nez sur l'appelé qui, je dois bien l'avouer, s'était bien débrouillé pour ne pas attirer mon attention depuis notre dernière échauffourée. Les pieds bien écartés, il avait fléchi sur ses jambes, deux doigts plaqué au milieu de son front tiré par la tension.
Dans cette position, il accumulait une affolante quantité d'énergie au bout de ses appendices tendus.

- Ne la lâche surtout pas ! lui ordonna le Namek avant d'esquisser un sourire fatigué mais de terrible augure. Bien joué, Son Goku. Avec ce que je lui prépare... c'en sera fini d'elle !

J'essayais toujours de remuer les épaules. En vain !

- E-et de votre équipier aussi ! lui fis-je remarquer dans un accès de panique parfaitement simulé. Avez-vous perdu la tête ?! A quoi bon décrocher pareille victoire si l'un de vous deux trépasse avec moi ?!

- C-c'est un prêté pour un rendu, bafouilla Goku qui avait un sourire dans sa voix. L'important, c'est que la terre sera sauve.

- Sous le joug de votre prétendument ami, vous voulez dire, espèce de nigaud !

- Ne l'écoute pas ! rouspéta le Namek. Une fois débarrassé d'elle, je rassemblerais personnellement les Dragon Balls pour te ramener à la vie... et mettre un terme à notre duel une bonne fois pour toute - tu sais comme j'en meure d'envie, Son Goku !

- Oui ! V-vas-y ! Lance ton attaaaaaque !

A ce signal, le front de Piccolo se mit à irradier de Ki !

- Makankosappooooo !

La lumière se fit soudain beaucoup plus forte ! Un rayon fusa, et je n'avais pas besoin d'être dotée d'une grande imagination pour en comprendre l'utilité dans le cas présent. Cette énergie concentrée n'avait qu'un seul but, un seul objectif : nous traverser tous les deux, Goku et moi !
Mais mes adversaires ignoraient tout de mes capacités. L'un d'elle, qui ne se traduisait que par un simple mot, franchit le palier de mes lèvres le temps d'un battement de cœur :

- Gratia~

Contrairement à ce qu'il voulait dire - « Indulgence » en langue courante - ce sortilège d'immobilité parfaite n'offrait aucune porte de sortie à ce pauvre saiyan. Contraint à devoir rester planté-là durant deux longues secondes, sa peau littéralement envahie par les symboles cabalistiques issus de mon invocation diabolique, il ne put contempler - totalement impuissant - que son imminente fin. Pour ma part, je m'étais glissée hors de son étreinte avec une facilité déconcertante avant d’appliquer deux doigts à mon front et de disparaître sous le regard ahuri du prétendument démon grâce au Shunkan Ido.

- C-c'est invraisemblable !

Alors qu'il assistait, complètement estomaqué, à l’exécution morbide de son rival je réapparus dans son dos comme si de rien était.

- Vous avez raison, dis-je en traçant d'un doigt la Rune Isa - représentante de la Glace et du Statisme - sur mon poing déjà armé. Plus que vraisemblable, c'est assez cocasse comme situation~

Et je frappai d'un coup avec la main en « griffe », à savoir paume ouverte mais doigts repliés ! Il y eut un grand craquement macabre. La colonne vertébrale rompue, Piccolo, toujours debout malgré tout, poussa un hoquet indistinct. Mon bras ressortait de l'autre côté de son tronc frigorifié. D'ailleurs, son corps entier ne tarda pas à blanchir sur place, gagné par le froid mortel de ma Rune.

- Que vous soyez parvenu ou non à coopérer avec feu votre rival, on dirait bien que cela aura fini par vous coûter la vie à vous aussi, énonçai-je en plaquant une main contre l'une de ses omoplates. Bon voyage dans l'au-delà.

Je n'eus qu'à retirer ma main de sa carcasse congelée pour qu'elle finisse éparpillée aux quatre vents, convertie en millions de petits flocons volatiles. Puis je m’époussetais les mains, adressant un ultime coup d’œil à cette facette du monde avant qu'il ne finisse par disparaître lui-aussi suite à l'irrévocable défaite de ses vaillants protecteurs.

- Humm... et maintenant une petite introspection s'impose.

Parce que maintenant que ce combat n'accaparait plus mon attention et que le Cœur de pierre avait cessé d'être, j'avais le sentiment d'avoir un petit peu trop apprécié ce rôle de méchante... il allait falloir que je m'en méfie à l'avenir.
Comme quoi, on a vraiment tôt fait de céder à nos pulsions les plus obscures !
Mais en attendant, pour avoir mené à bien ma mission il me restait une modeste récompense à amasser auprès de notre cher Gardien Intemporel~