Marisa et moi étions de retour de Zélod III depuis... ce midi seulement. Nous avions passé la dernière nuit chez Pan, puis nous fumes de retour chez l'aînée des fermières le lendemain grâce au Shunkan Ido. Valéria avait dû trimé dans les champs toute la matinée, mais elle n'était pas seule : je lui avais fourni de la main d’œuvre la veille ! En l'occurrence, il s'agissait d'Yggdrasia et de ses serviteurs sylvestres... qui s'occupaient vraisemblablement de tout alors que leur maîtresse en robe blanche - presque diaphane - s'accordait du repos, allongée dans l'herbe, non loin de l'arbre où Marisa s'était entraînée au Ki - sans grand succès.
Je m'approchai de notre amie Hamadryade, qui s'était enfoncée un chapeau de paille sur la tête à la place de son habituelle couronne de fleurs.
Avant même que je dise quelque chose, l'intéressée me fit signe de me décaler.

- ...S'il te plait ? demanda-t-elle avec une certaine impatience dans la voix. Tu me caches le soleil... et mes travailleurs, accessoirement.

Toute excitée à la vue de ces êtres surnaturels, Marisa s'était approchée d'eux pour mieux les étudier... ou peut-être cherchait-elle à entrer en contact avec ces derniers, à défaut de pouvoir s'en faire des partenaires de jeu étant donné leur condition d'esclaves résignés.

- Tu ne mets pas la main à la patte ?

Elle s'étira de tout son long, et je crus bien entendre une ou deux branches craquer.

- J'aurais bien voulu mais comme tu peux le voir toutes les places sont déjà prises alors...

La main en visière, à demi-tournée vers les Fils de la Nature, je suivis son regard avant de pousser un petit soupir.

- Je vois surtout que le champ est vaste, répliquai-je avant de tourner la tête vers elle, l'air intriguée. C'est moi ou ça a drôlement poussé depuis hier ?

J'eus droit à un petit sourire malin en guise de réponse.

- J'ai "peut-être" laissé un peu de ma magie s'infiltrer sous terre...

Yggdrasia leva une main et m'indiqua un maigre écart entre son pouce et son index.

- Tu ne me l'as pas interdit, je te signale~

- Non, effectivement. C'est Valéria qui va être contente ! D'ailleurs où est-el-...

Dans mon dos, j'entendis Marisa pousser des petits cris euphoriques. Du coin de l’œil je la vis perchée sur les épaules d'un serviteur d'Yggdrasia - le plus grand, bien évidemment. Elle avait l'air de s'éclater comme une folle, un poing en l'air et l'autre main accrochée à une branche sur le crâne couvert d'écorce.

- Wouhouw ! Regarde ça, Ryanne ! Ils sont trop géniaux, ces bonhommes en arbre ! J'avais jamais vu ça auparavant !

- C'est bien ! Profites-en pour travailler un peu ton équilibre. Je t'interdis de tomber : il en va de ton entraînement futur~

L'intéressée, tout sourire, leva un pouce à mon attention.

- Pas d'problème ! J'vais vous en mettre plein les yeux, vous allez voir ! Allez, hue, hue, copain des bois !

Sacrée Marisa !
J'étais sur le point d'en revenir à notre sujet de discussion avec Yggdrasia quand Valéria fit soudain son apparition à la fenêtre de sa maison. Elle nous héla en ayant placé sa main en porte-voix :

- Ah, tu tombes bien ! Ryanne, viens voir ça vite ! Je crois bien... qu'il y a un message à la télé qui risque de t'intéresser.

- Comment ça ? tiquai-je aussitôt avant de porter mon regard sur Yggdrasia. Alors là, chapeau bas : tu lui as fait gagné tellement de temps qu'elle en a suffisamment pour allumer son antiquité de télé ! Il va falloir que je fasse appel à tes services plus souvent.

- Pour peu que tu m'en rendes en retour, je n'y vois pas d'inconvénient. Elle se passa un index au bord des lèvres avant d'ajouter : mais je te préviens : les frais risquent d'augmenter~

J'essayai de ne pas m'imaginer quel genre de services elle attendait de moi juste avant que Valéria me fasse signe de me presser :

- Ce n'est pas une blague ! Ça parle d'une "intrusion démoniaque" et "de prêter assistance à ceux en train de faire face aux envahisseurs". Je doute vraiment que ça soit un canular ; ça m'a l'air très sérieux tout ça.

Alors ça pour une nouvelle...
Je la rejoignis sans plus attendre pour découvrir le message dans sa totalité. Des noms et des visages de combattants en danger de mort apparaissaient à l'écran ainsi que leurs localisations exactes. Parmi ceux-là, il y avait même Ferliost !

- Oh, bon sang ! soufflai-je, proprement hallucinée. En effet, il peut s'agir de tout sauf d'une mauvaise blague.

Et je ne pouvais que confirmer cette pensée en usant de ma Perception : des entités féroces s'affrontaient un peu partout sur notre bonne vieille Terre !

- Ça urge. Je dois y aller ! fis-je en posant mon majeur et mon inde tout contre mon front.

- Alors moi aussi j'en suis ! intervint Yggdrasia.

- Hors de question.

- Quoi ?!... Et pourquoi ça ? grogna-t-elle, les points calés contre les hanches et les sourcils froncés.

- Parce que je tiens à ce que tu veilles sur Valéria et sa petite sœur, répliquai-je. Surtout sur la seconde : elle sait voler et je crains qu'elle parte à ma recherche après qu'elle ait vent de ce que nous avons vu.

- Je pourrais très bien m'en charger..., commença Valéria, qui jonglait du regard entre nous deux.

Je secouai la tête tout en soutenant le regard d'Yggdrasia.

- Je lui ai promis de l'entraîner sous peu alors la connaissant, entêtée comme elle est, je la sais capable de me retrouver même s'il lui faut survoler les océans pour y arriver. Tu ne pourras pas l'en empêcher, Valéria. En revanche, Yggdrasia pourra l'occuper le temps que j'aille régler cette affaire...

- Voilà que je deviens une nounou maintenant, soupira-t-elle non sans secouer la tête. La barbe !

- Il vaudrait mieux que tu sois là dans le cas où les démons se mettent en tête de s'en prendre à Marisa.

Sous le choc de cette révélation soudaine, Valéria eut un léger mouvement de recul.

- Pourquoi s'en prendraient-ils à... ?

- Son potentiel caché, répondis-je en la regardant droit dans les yeux. Un jour il se pourrait bien qu'elle fasse partie de ces combattants qui protègent le monde. Les monstres qui s'en prennent aux vaillants d'aujourd'hui cherchent à saper nos forces.

- Dans ce cas pourquoi ne t'ont ils pas prise pour cible ? demanda Yggdrasia.

- Par méprise ; la nature de mon aura, probablement. Mais ça risque fort de changer. Je ne peux donc pas rester ici.

- Raison de plus pour que je vienne t'aider ! insista l'Hamadryade tout en faisant un pas vers moi.

Mais elle n'était pas plus têtue que moi !
Je levai une main pour l'interrompre avant de porter un doigt à ma bouche.

- Trop tard, c'est décidé !
Ne dites rien à Marisa.

Je disparus dans un "ZIP" pour réapparaitre sur une petite île perdue au beau milieu de l'océan. En priorité, j'avais choisi de porter secours à ce vieil homme à la barbe blanche et aux lunettes de soleil.